Tokamak SPARC vient d’être installé dans une centrale expérimentale. Cette opération marque une entrée fracassante de la fusion nucléaire dans l’industrie.
Commonwealth Fusion Systems (CFS), issu du MIT, développe un tokamak compact nommé SPARC. Cette machine s’inspire du modèle ITER mais réduit drastiquement sa taille et ses coûts. En mars, l’équipe a installé la base cryogénique nécessaire au refroidissement des aimants supraconducteurs. Ces composants doivent atteindre -253°C pour maintenir le champ magnétique autour du plasma en formation. Ce jalon technique concrétise les ambitions de CFS d’obtenir du plasma d’ici 2027.
« Nous avons appris des erreurs d’ITER et optimisé notre chaîne d’approvisionnement », affirme Alex Creely, directeur des opérations chez CFS. L’entreprise s’appuie sur certains fournisseurs du programme ITER pour accélérer la livraison de ses composants.
L’assemblage du cryostat, en acier inoxydable, doit supporter des écarts thermiques vertigineux. « Il suffit de 30 cm pour passer de 100 millions de degrés à 1 000°C », explique Creely. Totamak SPARC ne produira pas d’électricité, mais doit démontrer qu’il est possible de générer plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Des projets qui s’accélèrent dans le monde entier
CFS n’est pas seul sur la ligne de départ. En Chine, l’Experimental Advanced Superconducting Tokamak (EAST) a maintenu un plasma pendant 1 066 secondes. Soit près de 18 minutes de stabilité, un record mondial.
En France, le tokamak WEST a conservé un plasma à 50 millions de degrés pendant six minutes. Ces expériences valident l’efficacité de nouveaux matériaux, comme le tungstène, capable de résister à des conditions extrêmes.
Au Canada, General Fusion développe le prototype LM26. Ce réacteur, construit en 16 mois, a déjà généré du plasma. Même si les détails techniques restent discrets, cette avancée montre la vitalité de la filière nord-américaine.
En février 2024, l’équipe de Princeton a intégré l’IA dans le pilotage des plasmas. Son modèle anticipe les instabilités dangereuses dans les réacteurs jusqu’à 300 millisecondes à l’avance. Cette réactivité évite les interruptions brutales et prolonge les réactions. « C’est un pas de géant vers un contrôle en temps réel », confie un chercheur du projet. Cette technologie pourrait être déployée sur le totamak SPARC afin de stabiliser les réactions dans les futures centrales thermonucléaires.
Les progrès de l’IA ne sont pas sans contrepartie. Les data centers consomment toujours plus d’électricité, parfois jusqu’à 17 % de la production nationale. L’exemple irlandais illustre cette tension. Malgré les avertissements, les modèles comme ceux d’OpenAI nécessitent des ressources croissantes. La fusion est donc perçue comme une solution potentielle à cette équation énergétique. Mais son développement demande encore de lourds investissements.
Helion Energy : pari audacieux de Sam Altman
En juillet 2024, Sam Altman a investi 375 millions de dollars dans Helion Energy. L’entreprise développe un réacteur linéaire compact, loin des tokamaks classiques. Son prototype Polaris vise des températures de 100 millions de degrés Celsius. Un contrat a même été signé avec Microsoft pour fournir 50 MW d’ici 2028.
Cette promesse suscite de nombreuses réserves dans le milieu scientifique. « C’est physiquement impossible avec les technologies actuelles », juge Saskia Mordijck, physicienne spécialiste du plasma. D’autres projets, comme le totamak SPARC, avancent plus prudemment avec des technologies bien mieux documentées.
Les stellarators reviennent dans la course
Le Wendelstein 7-X en Allemagne incarne une autre voie : le stellarator. Contrairement au tokamak SPARC, il n’a pas besoin de courant dans le plasma. Il fonctionne en continu grâce à un champ magnétique complexe mais stable. Ce projet européen a généré des plasmas qui dure jusqu’à 30 minutes. Son coût avoisine 1,44 milliard d’euros, ce qui reflète la sophistication de sa conception.
Pour surmonter ces limites, des entreprises américaines explorent des alternatives. Thea Energy et Type One Energy testent des configurations simplifiées, basées sur des aimants plats contrôlés numériquement. « Cela réduit les coûts et les délais de fabrication », assure Brian Berzin, PDG de Thea Energy. Un prototype est prévu sur une ancienne centrale à charbon, ce qui symboliquement la transition énergétique.
Malgré l’enthousiasme, des barrières subsistent. Le confinement du plasma à plus de 100 millions de degrés reste complexe. Le tritium, combustible rare, doit être produit dans les réacteurs eux-mêmes. Enfin, aucun démonstrateur n’a encore produit de l’électricité en continu de manière rentable. Ces obstacles rappellent que le chemin est encore long, même si les progrès s’accumulent.
L’enjeu dépasse les laboratoires. Les géants de la tech misent sur la fusion pour sécuriser l’énergie de demain. Les data centers d’IA, dont les besoins énergétiques explosent, pourraient en dépendre. Cette vision séduit certains investisseurs, comme Sam Altman, qui y voit une solution indispensable. D’autres appellent à la prudence face à l’emballement médiatique.
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