Des faux robots en carton tapotent sans but dans une vitrine new-yorkaise. Derrière eux, un message piquant sur la place de l’IA dans la création.
À première vue, tout semble normal : un bureau partagé, des gens qui pianotent sur des claviers, un appel ici, un café là. Mais en s’approchant de la vitrine au 121 Norman Avenue, dans le quartier de Greenpoint à Brooklyn, quelque chose détonne. Tout est en carton. Absolument tout. Bienvenue au Chat Haus, une exposition satirique imaginée par l’artiste Nim Ben-Reuven, qui transforme l’angoisse technologique en théâtre visuel.
Dans ce faux espace de coworking pour IA, de petits robots en carton s’agitent, branchés à des moteurs miniatures. L’un d’eux prend un appel. L’autre sirote un café. Tous prétendent travailler… mais ne produisent rien. Au mur, une affiche annonce fièrement un espace de travail à 1999 dollars par mois. L’ensemble, volontairement absurde, dépeint la frustration d’un créatif remplacé par des algorithmes.
L’humour devient une stratégie de résistance
« C’est une manière d’en rire plutôt que d’en pleurer », nous a confié Ben-Reuven. Depuis quelques années, il constate un recul progressif de ses contrats en graphisme et vidéographie, au profit de solutions IA. Refusant de céder à la colère frontale, il crée un espace ironique, presque attendrissant, où les robots deviennent le reflet grotesque de l’industrie actuelle.
L’artiste utilise le carton depuis longtemps. Il y voit une matière humble, légère, facile à plier… et à détruire. Pour lui, c’est une métaphore directe du contenu IA. « Ces images générées, c’est comme de la junk food créative », dit-il. Sur Instagram, elles attirent le regard. Mais elles s’effondrent à la moindre exigence de fond, comme ses petits robots trop mignons pour être fiables.
Pendant notre entretien, des enfants s’arrêtent devant la vitrine, posent des questions, prennent des photos. Ben-Reuven veut stimuler la curiosité sans tomber dans la morosité. Il veut parler de l’impact de l’IA, sans s’enfermer dans un discours anxiogène. Le ton reste léger, mais le propos est dense : « Ces IA travaillent en silence, dans des entrepôts, avec notre énergie et nos prompts. »
Une exposition temporaire, mais une critique durable
Le Chat Haus devrait rester visible jusqu’à mi-mai, en attendant les permis de rénovation du bâtiment. L’artiste espère trouver une galerie plus grande pour continuer à faire vivre ses petits robots en carton. Il rêve d’agrandir l’exposition… tout en s’inquiétant de l’espace qu’ils prendraient dans son petit appartement.
À une époque où l’IA semble tout avaler, Ben-Reuven propose une pause drôle et décalée, pour questionner sans agresser. Une œuvre fragile, certes, mais profondément humaine.
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