Dans le cadre de notre dossier « Expert I.A : La force des algorithmes pour résoudre les énigmes du futur. », Kevin SOLER (CEO chez Virteem) a accepté de faire un point sur l’année écoulée et sur les grands enjeux du secteur de l’IA.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Kevin Soler, j’ai 32 ans et j’ai un parcours très atypique. En 2010, j’ai participé au lancement de la start-up Tennis Partner qui a été déployée dans 17 pays à son apogée, regroupant plusieurs millions de visiteurs mensuels.
En 2011, je me suis expatrié à Sydney où j’ai monté une entreprise de vente. Mes performances en tant que sales dans un système de vente pyramidale m’ont permis de me faire repérer par une branche de Google, où j’ai obtenu un rôle de responsable commercial. Cependant, étant davantage stimulé par l’entrepreneuriat, j’ai décidé en 2012 de tout plaquer pour revenir en France et créer Groupe VIP 360, une société de virtualisation, visite virtuelle et VR – une innovation à cette époque.
Mais comme un challenge ne suffit pas, je me suis également intéressé au “street workout” la même année et je me suis pleinement lancé dans la pratique de ce sport, terminant avec un palmarès de 6 records du monde.
Après 4 ans de croissance, j’ai porté le projet au-delà du Var en ouvrant jusqu’à 65 agences (en France, Suisse et Caraïbes) pour en faire le premier réseau de solutions immersives en France.
En 2022, j’ai rebrandé le groupe sous le nom de Virteem en y intégrant le métavers et la 3D. Par la suite, j’ai innové en développant une branche IA dans l’entreprise avec Virteem Companion.
Aujourd’hui, je suis un acteur référent et conférencier (Tedx), auteur dans les domaines du web 3.0 et de l’industrie de demain, et je suis business angel et investisseur dans plusieurs start-ups.
Quelles sont les dernières avancés et innovations dans le domaine de l’IA qui ont retenu votre attention récemment ?
Une des dernières avancées dans le domaine de l’IA qui a retenu mon attention est le lancement par Meta de Llama 3.1, un modèle d’IA open-source. Avec ses 405 milliards de paramètres, il rivalise avec les plus gros modèles propriétaires comme GPT-4 dans les benchmarks, prouvant que l’open source a atteint le niveau des modèles propriétaires. Cette évolution marque une tendance de fond pour les prochaines années. Cela soulève des questions sur la rentabilité des grandes startups qui ont levé des millions pour développer des modèles propriétaires. Leur succès dépendra probablement moins de la technologie elle-même et plus des usages et des applications concrètes qu’elles pourront offrir. La force de l’open source réside dans sa capacité à permettre aux chercheurs et développeurs de créer, innover et améliorer sans les coûts élevés des modèles propriétaires, tout en facilitant des usages diversifiés et accessibles.
Quels secteurs ont le plus bénéficié de l’intégration de l’IA ?
L’IA a transformé le secteur des ressources humaines de plusieurs façons. Tout d’abord, elle facilite l’intégration des nouveaux employés en automatisant et en personnalisant le processus d’onboarding. Les chatbots associés à l’IA générative guident les nouveaux arrivants à travers les procédures d’entreprise, les politiques et les formations initiales, rendant l’expérience plus fluide et engageante grâce à la possibilité de converser avec un système de questions-réponses utilisant l’IA. Ensuite, l’IA améliore l’accès à l’information en permettant aux employés de trouver rapidement des réponses à leurs questions grâce à des systèmes de recherche intelligente et des bases de connaissances automatisées. Cela réduit le temps passé à chercher des informations et augmente l’efficacité au travail.
Comment voyez-vous l’avenir de l’IA et son impact sur la société ?
L’avenir de l’IA s’annonce prometteur, avec un impact considérable sur la société, en particulier en tant qu’outil d’aide aux collaborateurs. Tout comme Photoshop, Monday ou Teams, l’IA est conçue pour être un outil au service de l’Homme. Elle améliore l’efficacité, facilite la prise de décision et permet de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. En tant qu’outil au service de l’Homme, l’IA n’est pas destinée à remplacer les collaborateurs, mais à les assister et à enrichir leur travail. Elle permet d’accéder rapidement à des informations pertinentes, et de collaborer plus efficacement. L’IA peut automatiser les tâches répétitives, libérant ainsi du temps pour les employés afin qu’ils puissent se consacrer à des activités créatives et stratégiques. Dans les domaines comme les ressources humaines, la gestion de projet, le marketing et bien d’autres, l’IA offre des solutions innovantes pour optimiser les processus et améliorer la productivité.
Quel est votre avis sur l’impact qu’a et aura l’IA sur l’emploi en France ?
L’impact de l’IA sur l’emploi en France est un sujet de grand intérêt, avec des implications à la fois positives et complexes. À mon avis, l’IA va transformer le marché du travail, mais elle créera également de nouvelles opportunités, en particulier dans les domaines de la data et du développement. Avec l’augmentation des postes autour de la data, nous verrons une forte demande pour des analystes de données, des scientifiques des données et des ingénieurs en apprentissage automatique. De plus, les développeurs, notamment les développeurs full stack et les spécialistes en traitement du langage naturel (NLP), seront très recherchés. Les développeurs full stack seront nécessaires pour créer et maintenir des applications complexes qui intègrent des fonctionnalités d’IA, tandis que les experts en NLP joueront un rôle crucial dans le développement de systèmes capables de comprendre et d’interagir avec le langage humain de manière naturelle et intuitive.
Elle s’inscrit dans la définition de la destruction créatrice de Schumpeter.
Quels sont les principaux défis éthiques liés à l’IA et comment les abordez-vous dans votre travail ?
Les principaux défis éthiques liés à l’IA sont nombreux et variés, mais deux des plus pressants sont la consommation énergétique des serveurs et la concentration du marché chez une poignée de fournisseurs, souvent peu concernés par les enjeux écologiques. La consommation en énergie des serveurs est une préoccupation majeure, car les centres de données nécessaires pour faire fonctionner les systèmes d’IA consomment énormément d’électricité, contribuant ainsi à l’empreinte carbone globale. Dans mon travail, j’aborde ce défi en privilégiant l’utilisation de fournisseurs de services cloud qui mettent en avant des pratiques écologiques, telles que l’utilisation d’énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique de leurs infrastructures.
La concentration du marché des fournisseurs de services cloud pose également des problèmes éthiques et de souveraineté. La largeur de l’offre aux États-Unis est bien plus importante que dans d’autres régions, ce qui rend complexe la gestion de ces questions éthiques et souveraines. Pour aborder ce problème, je m’efforce de diversifier les partenariats avec différents fournisseurs et de soutenir les initiatives locales et françaises qui visent à développer des alternatives plus éthiques et durables.
Quelles sont, selon vous, les opportunités et les défis futurs pour les experts en IA, notamment en ce qui concerne l’évolution de la technologie et de la réglementation ?
L’une des principales opportunités est l’évangélisation au sein des entreprises. Actuellement, il existe un clivage significatif entre les sociétés en termes d’adoption de l’IA. Les experts en IA peuvent aider à réduire ce clivage en aidant les entreprises à adopter ces technologies, assurant ainsi une progression homogène au niveau national. La gestion des données est un autre défi important. Les entreprises doivent garder le contrôle sur leurs données pour éviter les risques de perte ou de mauvaise utilisation. Les experts en IA doivent mettre en place des stratégies robustes de gestion des données, incluant la sécurité, la confidentialité et la conformité réglementaire. L’évolution rapide de la technologie offre également de nouvelles possibilités dans des domaines comme le traitement du langage naturel et la vision par ordinateur. Cependant, ces avancées viennent avec des défis réglementaires pour encadrer l’utilisation de l’IA de manière éthique et responsable qu’il faut respecter.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière dans l’IA ?
Pour ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière dans l’IA, il est essentiel de ne pas sous-évaluer l’aspect éthique et souverain de cette technologie. Il est important de se familiariser avec les enjeux éthiques liés à l’IA, notamment la confidentialité des données, les biais algorithmiques et l’impact social des technologies d’IA. De plus, il faut être conscient des questions de souveraineté numérique, comme la dépendance à des fournisseurs étrangers de services cloud et la gestion des données sensibles. Enfin, rester à jour avec les évolutions technologiques et réglementaires dans le domaine de l’IA est indispensable pour réussir et évoluer dans cette carrière.
Si vous avez des sujets que vous aimeriez aborder, nous vous invitons à les formuler et à y répondre ici.
Un sujet que j’aimerais aborder est la dépendance créée par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) dans le domaine de la technologie et de l’IA. Ces entreprises dominent le marché des services cloud et des plateformes technologiques, ce qui crée une situation où de nombreuses entreprises et utilisateurs dépendent fortement de leurs infrastructures. Cette concentration de pouvoir pose des questions sur la souveraineté numérique et la capacité des entreprises à contrôler leurs propres données et technologies. Pour atténuer cette dépendance, il est crucial de promouvoir et de soutenir le développement de solutions alternatives locales et open-source. Encourager l’innovation et la collaboration entre entreprises locales peut également aider à diversifier les options disponibles et à réduire cette dépendance.
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