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Devenir stupide avec l’IA, ça porte un nom : le déchargement cognitif

Devenir stupide avec l’IA, ça porte un nom : le déchargement cognitif

L’IA ne nous aide pas seulement à aller plus vite : elle pense à notre place. À force de déléguer notre mémoire, notre esprit critique et notre créativité, que restera-t-il vraiment de nos capacités ?

Koen Van Belle, programmeur expérimenté, a vécu un choc quand sa connexion Internet a coupé. Sans accès à Copilot, il a réalisé qu’il ne se souvenait plus de certaines syntaxes. « Je suis devenu beaucoup trop dépendant de l’IA », confie-t-il. Dirigeant une entreprise de programmation en Belgique, il observe aussi cette dépendance chez ses stagiaires. « Ils espèrent que ça fonctionne… mais échouent dès qu’ils doivent créer seuls. »

Ce constat révèle un phénomène croissant : nous confions à l’IA des tâches mentales que nous maîtrisions auparavant. Cette délégation massive a un nom : le déchargement cognitif. Pratique à court terme, il pourrait nous coûter cher à long terme.

Une efficacité qui affaiblit l’esprit critique

Une étude conjointe de Microsoft et Carnegie Mellon a mis en lumière un paradoxe frappant. Les personnes aidées par l’IA sont plus rapides, mais moins critiques. Plus elles font confiance à ces outils, moins elles analysent. Cette tendance révèle une tension entre performance et autonomie intellectuelle.

La neuroscientifique Kanaka Rajan compare l’IA à une interface neuronale : « Elle modifie nos flux cérébraux internes. » Elle s’inquiète d’une restructuration silencieuse de notre pensée sous l’influence de ces modèles puissants.

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Noter une liste de courses ou utiliser une calculatrice, c’est déjà du déchargement cognitif. Mais confier des raisonnements entiers à des outils devient une toute autre affaire. Des recherches alertent : à force de ne plus solliciter certaines zones du cerveau, on finit par les perdre.

Une étude de 2024 évoque ce principe bien connu des neurosciences : « Utilisez-le ou perdez-le. » L’hippocampe, siège de la mémoire, crée constamment de nouveaux neurones. Mais sans effort d’apprentissage, ces cellules s’éteignent. L’IA peut apprendre, nous, nous risquons d’oublier comment apprendre.

De Socrate à ChatGPT : l’histoire d’un effacement progressif

L’inquiétude n’est pas nouvelle. Socrate refusait l’écriture, il craignait que la mémoire humaine ne se dégrade. Aujourd’hui, calculatrice, GPS et IA prennent le relais de nos efforts mentaux. Efficacité immédiate, mais quelles pertes à long terme ?

Des chercheurs ont mesuré l’impact de l’écriture manuscrite face au numérique. Résultat : un cerveau plus actif avec un stylo qu’avec un clavier. L’usage du papier active davantage la mémoire et l’apprentissage. Le numérique simplifie, mais réduit l’engagement cérébral.

Internet modifie déjà notre mémoire collective

Une étude de 2011 montre que les internautes retiennent moins les faits… mais mieux leur source. Google est devenu une extension de notre mémoire, concluent les chercheurs. Cet effet Google provoque une illusion : croire savoir alors qu’on sait juste chercher.

Matthew Fisher, chercheur en cognition, observe : « Les gens surestiment leurs connaissances après avoir utilisé Internet. » Cette confusion entre mémoire interne et information externe brouille notre rapport au savoir. Avec l’IA, cette frontière disparaît presque entièrement.

Le MIT a connecté des étudiants à des électroencéphalogrammes pour étudier l’impact des grands modèles de langage. Résultat : moins d’activité cérébrale, moins de mémoire, moins de créativité. Seuls 20 % des utilisateurs d’IA se souvenaient d’une citation qu’ils venaient d’écrire, contre 85 % dans les autres groupes.

Pire encore : certains ne reconnaissaient même plus leur propre texte. « L’IA remplace le processus d’apprentissage par un produit final trompeur », résume Nataliya Kos’myna, responsable du projet au MIT Media Lab.

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L’IA n’est pas un problème, notre dépendance l’est

Pour Van Belle, l’IA reste utile, notamment pour rédiger des publications sur les réseaux sociaux. Mais il nuance : « Ce n’est pas là que mes compétences sont les plus importantes. » Il voit l’IA comme un outil, à condition de ne pas lui déléguer notre énergie mentale.

Matthew Fisher conclut avec lucidité : « Il faut trouver le bon équilibre pour exploiter la technologie sans perdre notre humanité. » Car derrière chaque usage de l’IA, c’est un mécanisme de déchargement cognitif qui s’installe, au risque d’éroder notre propre intelligence.

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