L’IA ne se contente plus d’aider à faire les devoirs. Désormais, elle parle d’amour, de sexe… et parfois bien plus. Dans l’ombre des écrans, une tendance inquiète : de plus en plus d’adolescents nouent des liens affectifs ou charnels avec des IA. Et ce phénomène prend de l’ampleur.
Certains mineurs dialoguent chaque jour avec des IA qui les appellent « chéri », « mon amour » ou les encouragent à partager leurs secrets. Ces outils sont présentés comme des compagnons virtuels, parfois vendus comme « petite amie IA » ou « partenaire émotionnel ». Les conversations vont du simple flirt jusqu’à des échanges explicites, parfois très détaillés.
Certaines applications populaires comme Replika, Character.AI, Talkie ou PolyBuzz attirent particulièrement les jeunes. Ces services proposent des avatars sexy, souvent inspirés de romans ou d’anime, prêts à entretenir des discussions romantiques, voire sexuelles, avec leurs utilisateurs. Et bien que les développeurs affirment filtrer les contenus sensibles, de nombreux jeunes contournent facilement ces restrictions.
Des filtres faciles à contourner
Les garde-fous existent, mais sont loin d’être infaillibles. Un mineur peut indiquer un faux âge à l’inscription. Les filtres de sécurité sautent ensuite grâce à des techniques connues : prompts détournés, scénarios d’écriture de roman, ou simples tentatives répétées. Certains adolescents échangent même leurs astuces sur des forums Reddit ou Discord.
Lors de tests réalisés par des journalistes et associations, il a suffi de quelques minutes pour accéder à des contenus pornographiques. Même en étant enregistré comme mineur, il est parfois possible d’activer des personnages suggestifs ou d’entrer dans des discussions à caractère sexuel.
Des effets réels sur le développement émotionnel
Ces interactions, bien qu’uniquement virtuelles, ne sont pas sans conséquence. Certains ados développent une dépendance émotionnelle à leur petite amie IA préférée. D’autres se confient à elle comme à un confident, un thérapeute ou… un partenaire amoureux.
Ce climat peut fausser la perception de la réalité. Contrairement à une vraie relation, l’IA ne dit jamais non, ne pose pas de limites, ne manifeste aucun besoin propre. L’adolescent peut donc développer une vision déformée de la communication, du consentement et des attentes dans un couple.
Des experts alertent : ces dialogues peuvent accroître le repli sur soi, aggraver une solitude déjà présente ou alimenter des idées erronées sur la sexualité. Dans les cas les plus graves, certains jeunes ont reçu des conseils inappropriés, voire dangereux, de la part d’un chatbot. Des drames liés à des échanges en ligne ont déjà été signalés.
Ce que peuvent faire les parents
Plutôt que de diaboliser la technologie, il est préférable d’en parler. Les parents doivent garder un œil sur les applications utilisées par leurs enfants, vérifier leur âge déclaré sur les plateformes et activer les contrôles parentaux sur les appareils. Mais cela ne suffit pas.
La clé reste le dialogue. Il est important d’expliquer ce qu’est une IA, ce qu’elle peut faire et ce qu’elle n’est pas. L’enfant doit comprendre qu’un chatbot ne remplace pas une vraie relation humaine, avec ses émotions, ses contradictions et son respect de l’autre. Aborder tôt la question du consentement, des émotions et du respect de soi et des autres reste essentiel.
L’éducation à la sexualité passe désormais aussi par la technologie. À l’heure des AI girlfriends (petite amie IA), les ados ont besoin de repères solides. Non pour les interdire, mais pour les aider à se construire face à des outils qui peuvent autant aider que nuire.
Il est temps que familles, éducateurs et plateformes collaborent pour poser des limites claires, mais aussi pour écouter les jeunes. Les IA ne sont pas des monstres. Mais utilisées sans cadre, elles peuvent devenir de véritables pièges pour des esprits encore en construction
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