Une application promet de tricher pour vous, partout et sans se faire prendre. Baptisée Cluely, elle se présente comme une « IA invisible », capable de souffler les bonnes réponses lors d’un examen, d’un test technique ou même d’un entretien d’embauche.
Derrière cette idée provocante, on trouve deux étudiants exclus de leur université… aujourd’hui à la tête d’une start-up financée à hauteur de 5,3 millions de dollars.
À l’origine, Chungin Lee, étudiant à l’Université Columbia, voulait juste maximiser ses chances durant ses entretiens. Avec un ami, il conçoit un système discret qui écoute, observe l’écran et propose des réponses en temps réel. Découverts, ils sont expulsés. Mais ils transforment leur expulsion en tremplin. Cluely devient une application à part entière et sert à cibler ceux qui veulent externaliser discrètement leurs compétences.
Le service fonctionne comme une oreillette invisible : l’IA voit ce que vous voyez, entend ce que vous entendez et vous guide. Selon ses créateurs, elle permet de toujours avoir un coup d’avance, pendant que les autres tâtonnent.
La triche n’a rien de nouveau, l’outil change seulement
Bien avant Cluely, les chiffres de la triche à l’école interpellaient déjà. En 2007, une enquête menée par Julia Christensen Hughes révélait que 53 % des étudiants canadiens admettaient avoir triché récemment. L’arrivée de l’IA n’a fait qu’élargir les possibilités. En 2023, un sondage KPMG indique que 52 % des étudiants utilisent désormais l’IA pour leurs travaux. Près de 60 % considèrent pourtant que c’est bien une forme de triche.
Pour les enseignants, cela devient un défi de plus. C. J. James, de KPMG Canada, souligne que les professeurs doivent désormais comprendre et encadrer les IA dans leurs pratiques. Mais pendant que l’école s’adapte lentement, le monde professionnel célèbre l’efficacité, quitte à fermer les yeux sur la méthode.
Le paradoxe saute aux yeux. Ce qui est interdit à l’université devient valorisé dans l’entreprise. Utiliser une IA pour rédiger un rapport ou répondre à un mail est vu comme une preuve d’efficacité. L’automatisation est encouragée, même lorsqu’elle gomme totalement l’intervention humaine.
Dans ce contexte, Cluely ne fait que répondre à une demande. Elle professionnalise un comportement répandu, tout en le rendant plus accessible. Le problème, souligne Christensen Hughes, vient souvent de l’absence de réaction institutionnelle. Là où rien n’est puni, tout finit par être accepté.
Quand les règles se taisent, les opportunistes s’enrichissent
Cluely incarne une époque où la ligne entre triche et performance s’efface. L’application transforme une dérive scolaire en business modèle. Et ses fondateurs, autrefois sanctionnés, bénéficient désormais de la reconnaissance d’investisseurs.
À force de tout déléguer aux machines, une question s’impose : qu’attend-on encore d’un individu, si l’IA peut tout faire à sa place ?
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