Et si un journal vous proposait des pages écrites par une IA ? En Italie, Il Foglio tente l’expérience pendant un mois, en demandant aux lecteurs de repérer les erreurs.
Depuis le 18 mars, le quotidien italien Il Foglio a lancé une initiative inédite. Pendant un mois, l’IA rédige quatre pages complètes du journal chaque jour. Cette IA ne se limite pas à des résumés automatiques. Elle écrit les articles, les titres et parfois même des analyses politiques complexes. L’objectif ? Tester ses capacités rédactionnelles dans un contexte réel et contraint.
Par exemple, l’IA a synthétisé une interview d’un conseiller de Trump sur l’Ukraine. Le directeur Claudio Cerasa lui avait demandé de respecter le style du journal. Le résultat : un article titré “Diplomatie de Trump, retour au réalisme”. À un autre moment, il a voulu un texte sur les tensions entre Giorgia Meloni et Matteo Salvini. L’IA a livré un papier politique piquant, intitulé “Meloni funambule”.
L’IA suit des consignes éditoriales précises
Les journalistes ne laissent pas l’IA improviser. Ils lui transmettent des instructions claires pour qu’elle s’adapte au ton du journal. L’IA ne propose pas un contenu neutre. Elle adopte un point de vue, respecte une ligne politique et emploie parfois l’humour. Certains articles se moquent même de l’expérience en cours. Le ton est ironique, mais toujours encadré.
Ainsi, l’IA n’écrit pas dans le vide, mais répond à des demandes structurées. Elle développe une réflexion, organise des idées, puis construit un texte cohérent. Cette méthode permet de produire un contenu qui ressemble à celui d’un journaliste humain, tout en restant supervisé.
Les journalistes ne se sentent pas menacés, mais testés
Du côté de la rédaction, l’ambiance reste sereine. Ruggiero Montenegro, journaliste politique, ne craint pas l’IA. Selon lui, elle ne peut pas enquêter ni trouver un scoop en se contentant d’interpréter des événements passés. En revanche, il reconnaît qu’elle impose un nouveau niveau d’exigence. Les journalistes doivent faire preuve de plus de précision. Désormais, ils sont mis au défi sur leur propre terrain.
En une semaine, seules quelques erreurs ont été relevées. L’une d’elles concernait un faux épisode d’antisémitisme inventé par l’IA. Certaines fautes sont volontairement conservées. De ce fait, les lecteurs sont invités à les repérer et à signaler d’éventuels biais idéologiques.
Pour Claudio Cerasa, ce test ressemble aux “stress tests” vécus pendant la pandémie. À l’époque, chaque métier avait dû se réinventer sous la contrainte. Il voit cette initiative comme une manière d’évaluer ce que la machine sait faire… et ce qu’elle ne sait toujours pas faire. L’objectif n’est pas de remplacer la rédaction. Il souhaite plutôt explorer des usages secondaires pour l’IA, comme la création de suppléments ou de contenus annexes.
En somme, cette expérience montre à quel point l’IA peut se fondre dans les codes d’un quotidien. Elle révèle aussi les limites actuelles de la machine face à l’intuition, l’analyse humaine et l’enquête. À ce jour, le journalisme conserve encore une longueur d’avance.
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