Et si celui ou celle qui vous écrivait avec tant de tact n’était qu’un robot ? Le chatfishing bouleverse les codes de la séduction numérique. Du simple coup de pouce conversationnel à la création d’un faux personnage, l’IA trouble la limite entre sincérité et simulation.
Les « catfishers » du passé utilisaient de fausses photos. Aujourd’hui, certains utilisent de fausses personnalités. Le chatfishing consiste à laisser ChatGPT écrire vos messages sur les applications de rencontre, souvent à l’insu de votre interlocuteur. Un phénomène qui, selon le Guardian, se répand dans les grandes villes, entre curiosité technologique et manipulation émotionnelle.
Quand ChatGPT écrit les messages du parfait partenaire
Rachel pensait avoir trouvé l’homme parfait : drôle, curieux, attentionné. Trois semaines de messages sur Hinge, des échanges nocturnes passionnants, jusqu’à ce qu’elle le rencontre. En face d’elle, un inconnu maladroit, incapable de prolonger la magie virtuelle. Ce n’est qu’après coup qu’elle a compris : le véritable charmeur s’appelait ChatGPT.
Jamil aussi avoue : débordé par son travail, il a soumis ses réponses à ChatGPT pour relancer la conversation. Lorsque son interlocutrice a partagé un deuil, le bot a glissé une réponse compatissante, mais il a ressenti le poids du mensonge face à l’émotion réelle.
Francesca, de son côté, avoue qu’au fil du temps, c’est l’IA qui gérait presque tous ses échanges. Elle ne reproduisait plus que des réponses couchées par le bot, toujours filtrées pour « ressembler à elle ». Lors des rendez-vous, l’écart entre le discours numérique et la personne en face est devenu palpable. T
Entre gain de confiance et manipulation émotionnelle
Nick, un Londonien, voit ChatGPT comme un « assistant social ». Il l’utilise pour inspirer ses premiers messages, sans céder tout le contrôle. Il estime que cela l’aide à « poser les bases d’une connexion ».
Holly, une jeune professionnelle, l’utilise de manière plus pragmatique. Elle soumet ses messages à ChatGPT pour qu’ils soient « plus doux » ou « plus fermes » selon le contexte. Elle affirme ne pas vouloir manipuler son interlocuteur, mais simplement transmettre ses sentiments de manière plus claire.
Cette utilisation conjuguée à l’illusion de « meilleur soi » crée un terrain émotionnel instable. L’autre croit dialoguer avec une personne sincère, alors qu’il lit un produit de l’IA. Le sentiment de trahison, lorsqu’il survient, peut être profond.
Une illusion d’intimité dans un monde d’algorithmes
Pour Paul Brunson, expert en rencontres, l’IA ne doit rester qu’un outil, car aucun algorithme ne peut remplacer la découverte d’une connexion en chair et en os. Dans son approche, il insiste sur la transparence : rencontrer tôt, tester la cohérence entre paroles et actes.
Le danger, selon lui, est que le chatfishing achève ce que beaucoup reprochent déjà aux applis : transformer l’amour en marché, optimiser les profils comme des produits.
L’IA polarise ce fait. Ceux déjà doués en communication y voient une aide, ceux moins à l’aise risquent de s’y perdre dans l’illusion.
La véritable intimité repose sur l’imprévu, les maladresses et les moments de silence. Quand tout est « polished » par un agent numérique, on perd l’authenticité. Le charme disparaît dans l’uniformité.
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