Les nouvelles usines fleurissent sur le territoire. Les annonces pleuvent, les financements suivent. Pourtant, l’élan ne suffit pas. Derrière les projets ambitieux, un constat s’impose : produire en France reste un défi complexe.
France 2030, Première Usine… Ces initiatives ont suscité de réels espoirs. Elles misent sur l’innovation pour répondre aux besoins énergétiques, alimentaires et de mobilité. Mais l’enthousiasme initial se heurte à des réalités industrielles moins glorieuses. Le développement de technologies de pointe ne garantit ni leur rentabilité ni leur ancrage territorial.
Ynsect, autrefois vitrine de la French Tech industrielle, symbolise cette désillusion. Avec plus de 600 millions d’euros levés, la start-up visait un leadership mondial dans l’élevage d’insectes. Une méga-usine a été construite, des contrats ont été signés. Mais la mécanique industrielle s’est grippée. Les prévisions de marché ont été mal calibrées, les compétences internes ont manqué.
Aujourd’hui, Ynsect cherche un repreneur. « L’industrialisation est une course d’endurance, pas un sprint financier », confie un ancien cadre de l’entreprise.
Les erreurs coûteuses des pionniers
Ce constat dépasse le cas Ynsect. Marc Simoncini, créateur de Meetic, s’est lancé avec enthousiasme dans la conception de vélos intelligents. Pourtant, son entreprise Angell peine à répondre aux attentes. Des défauts de conception, un manque d’expérience industrielle et le projet vacille.
Pour Bruno Bonnell, responsable de France 2030, l’accompagnement doit être renforcé : « L’industrialisation ne se décrète pas, elle se construit avec des gens du métier. » L’innovation sans pragmatisme peut devenir une impasse, surtout face à la pression du marché.
Une course à trois jambes : technologie, marché, compétences
Le triptyque gagnant reste inchangé : technologie, marché et compétences doivent avancer de concert. L’un sans les autres fragilise tout l’édifice. Concevoir un produit de rupture ne suffit plus. Il faut aussi savoir le fabriquer à grande échelle, le vendre, le maintenir. Trop d’entreprises sous-estiment l’effort nécessaire à cette transition. Et trop peu investissent dans la formation des équipes industrielles. Or, sans techniciens qualifiés, sans opérateurs formés, l’usine de demain reste une idée sur le papier.
Construire un écosystème résilient, pas une vitrine
La France peut réussir son pari industriel, mais elle doit sortir d’une logique d’annonce pour construire une stratégie durable. Cela passe par un maillage d’acteurs industriels aguerris, une évaluation rigoureuse des projets et un effort massif en compétences.
Il ne s’agit plus de rêver une usine idéale, mais de bâtir un réseau solide, capable de tenir dans le temps. « Les usines ne reviennent pas si facilement », rappelle un expert du secteur. L’enjeu n’est pas de produire pour produire, mais de produire juste, au bon endroit et avec les bonnes ressources.
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