L’influence des intelligences artificielles sur notre langage ne se limite plus aux écrits automatisés. Des structures issues de ChatGPT contaminent désormais notre langage, nos commentaires et nos réflexes d’expression.
Ce n’est pas une expression familière, c’est un signal. Le style « ce n’est pas X, c’est Y » s’impose. De Reddit à YouTube, ce modèle de phrase est répété sans cesse, souvent de manière inconsciente. Un enseignant confie observer cette tournure dans les copies, mais aussi à l’oral. L’IA ne s’adapte plus à nous : nous calquons nos mots sur elle.
Avec sa syntaxe propre, sa logique prévisible, ChatGPT a créé un genre d’écriture reconnaissable. Ce n’est pas un hasard : les grands modèles comme lui prédisent les enchaînements les plus probables. Cela produit des phrases lisses, logiques, sans aspérités. C’est cette cohérence constante qui commence à affecter nos réflexes linguistiques quotidiens.
Et si c’était nous qui devenions la copie ?
Un utilisateur de Reddit ironise : « Ce n’est pas une illusion, c’est du pouvoir ». Ce type de réponse, calibrée et stylisée, ressemble à un pastiche de chatbot. Mais ce n’est pas l’IA qui singe l’humain. C’est peut-être l’humain qui cherche à calquer son langage sur le style de ChatGPT. Dans cette confusion, notre manière d’écrire se transforme sans que nous l’ayons consciemment décidé.
Les enseignants commencent à s’inquiéter de la trop grande perfection des devoirs rendus. Des paragraphes propres, des structures trop cohérentes : ce n’est plus une rédaction, c’est un signal d’alerte. L’écriture humaine est plus bancale, plus vive, plus désordonnée. Or, la machine récompense l’équilibre. Résultat : nous imitons ses logiques jusqu’à perdre nos propres imperfections.
L’écriture qui rassure devient un piège
Face à la prolifération de textes générés, certains plaident pour un retour à la maladresse volontaire. « Nous avons besoin des voix brisées, des images incomplètes », écrit un commentateur. Cette dissonance serait le dernier marqueur tangible de notre humanité face à l’uniformité algorithmique. Une métaphore inaboutie vaut parfois mieux qu’une tournure trop parfaite.
Certains signes trahissent l’origine d’un texte. Les tirets cadratins, l’usage des cases à cocher vertes ou du X rouge, tout cela alerte. Mais ce qui devient troublant, c’est que ces signes se retrouvent aussi dans nos productions humaines. Non pas à cause d’un copier-coller, mais par assimilation progressive. L’IA est devenue notre miroir et nous commençons à lui ressembler.
La machine ne fait plus que refléter nos attentes
Les grands modèles comme ChatGPT n’inventent rien. Ils se contentent d’imiter nos façons d’écrire à travers d’immenses jeux de données. Mais si nous modifions nos propres textes en fonction de leurs suggestions, alors nous fermons une boucle. L’humain imite l’IA qui imitait l’humain. À force de confondre les sources, nous risquons de perdre notre propre voix.
Pour certains, il faut désormais réhabiliter l’erreur comme valeur stylistique. Laisser des phrases incomplètes, des hésitations, des idées non terminées. Tout ce qui rappelle qu’un cerveau humain, avec ses hésitations et ses intuitions, est encore aux commandes. Car ce n’est pas la perfection syntaxique qui prouve notre intelligence. C’est notre chaos qui nous distingue encore des algorithmes.
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